En juin 1956, le soldat du contingent Alban Liechti fait signer par 31 de ses camarades appelés en Algérie une lettre au président Guy Mollet. Elle lui rappelle ses propos de « parvenir dans les plus brefs délais au cessez-le-feu » dans une guerre qu’il avait qualifiée « d’imbécile et sans issue ». Le 2 juillet, il s’adresse au président de la République, René Coty, citant la Constitution qui stipule que la France n’emploiera pas ses forces contre la liberté d’aucun peuple, et annonce : « Je ne peux prendre les armes contre le peuple algérien en lutte pour son indépendance. » C’est le début de l’affaire des « soldats du refus » qui marqua un tournant de l’histoire de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, et que ce livre raconte.
Né en 1935 dans une famille de résistant communistes dont le père participe aux actions des FTP, Alban Liechti est très tôt politisé : il vend l’Humanité à 13 ans. Tout en se destinant à l’horticulture il milite contre la guerre d’Indochine et prend part à des actions pour la libération de Henri Martin et de Raymonde Dien, emprisonnés pour leur action contre cette guerre. Il est ensuite blessé et arrêté pendant la manifestation parisienne contre le général américain Ridgway, chef des armées américaines en Corée. Appelé sous les drapeaux en 1956 il termine son service militaire avec le grade de caporal-chef. Devant partir pour l’Algérie où une nouvelle guerre coloniale a commencé, il refuse de porter les armes contre le peuple algérien et adresse une lettre en ce sens au Président du Conseil, Guy Mollet et au Président de la République, René Coty. Le passage du train qui transporte les appelés jusqu’à Marseille est ponctué de manifestations contre cette guerre. Arrivé à destination, il est incarcéré à Tizi Ouzou, en Kabylie. Jugé par le Tribunal militaire, il est condamné à 2 ans de prison. Le militant convaincu qu’il est depuis des années est alors quelque peu surpris du peu de soutien qu’il reçoit, seul le Secours Populaire lui portant assistance lors de son procès. Ce manque de soutien permet que soient sur lui exercées des brimades et des violences. L’action du Secours Populaire qui ne se relâche pas permet son transfert aux Baumettes, à Marseille, puis à Carcassonne où il est placé en cellule et empêché de communiquer. En fait les autorités politiques et militaires craignent que son cas ne serve d’exemple à d’autres appelés. Fin 1957, le Parti communiste lance une campagne pour obtenir sa libération mais toutes les demandes de libérations conditionnelles sont refusées. Réintégré dans l’armée, à nouveau envoyé en Algérie, il refuse toujours de porter les armes contre le peuple algérien et le fait savoir par une deuxième lettre au Président de la République. Condamné à 2 ans de prison, il côtoie d’autres insoumis et des militants de l’indépendance algérienne. Il est alors considéré par les autorités militaires comme un des meneurs des « soldats du refus. » A la fin de son temps de prison, il est à nouveau enrégimenté et renvoyé en Algérie. Comme il refuse que ses armes soient chargées, il est l’objet de brimades et souvent placé en position exposée. Il est finalement libéré de ses obligations militaires en 1962, quelques jours avant les accords d’Evian qui permettent l’indépendance de l’Algérie.